Faisons quelques hypothèses afin d’introduire ce post : 

  1. Croissance du e-commerce en France durant encore les prochaines années
  2. Croissance des mètres carrés de l’immobilier logistique, dont du XXL : Conforama (180 000 m2), Amazon (141 000 m2), Alinéa (73 000 m2), Cdiscount (63 000 m2), Carrefour (62 000 m2)
  3. Croissance du CA d’Amazon
  4. Course à la surenchère des enseignes de distribution sur la livraison à domicile

(* 007 titres de film à trouver au fil de cette lecture qui s’annonce agréable)

Remerciements

A mon sens donc, ce cher consommateur, dont je fais partie, consomme la facilité à consommer vite dans une société de consommation où le temps se consume vite également : notre temps précieux trouve son économie dans les catalogues électroniques et les moyens de paiement dématérialisés. Trouver ce dont on a besoin ou envie, et l’acheter : c’est simple ! Et accessible depuis n’importe où ! Et donc quoi de plus appréciable enfin que pouvoir choisir un créneau de livraison et se faire livrer à son domicile ; avec service de montage et d’enlèvement selon les produits que l’on achète ; au 4ème étage sans ascenseur ? 

Merci Chers Distributeurs de nous avoir à ce point facilité la vie. Nous vous en sommes sincèrement reconnaissants, mais notre ingratitude s’exprimera à la moindre défaillance.

Risques

Car à l’instant où le client passe sa commande, se déclenche alors un vrai casse-tête pour pouvoir le servir on-time-in-full. Tout d’abord acheminer informatiquement cette commande vers les bons sites de préparation, avoir le stock suffisant pour la servir, la préparer, la contrôler, la regrouper selon que les circuits de préparation des produits soient différents, la contrôler de nouveau, la ranger au bon endroit sur le quai d’expédition, la faire contrôler par les transporteurs, la ramasser par le livreur qui contrôle également ce qu’il prend en charge, l’acheminer vers la bonne adresse et dans le bon horaire, avoir le bon digicode pour ouvrir la bonne porte de l’immeuble, et enfin trouver la bonne porte à l’étage sur laquelle frapper pour pouvoir la déposer chez son propriétaire. Qui avant de remercier chaleureusement le livreur va avant tout également la contrôler pour vérifier avant de signer électroniquement sa preuve de livraison que tout est bien conforme à son attente. Et sans parler de l’alimentaire, et son obligation, tout au long de ces opérations, de respecter la chaîne du froid qui rend encore plus chaleureux cet ensemble d’opérations. Dangereusement vôtre !

Tout cela en un temps record, express, H+1 ou J+1. Et sous contrainte du Spectre d’Amazon et de l’équation complexe à résoudre : le coût d’une telle prestation.

Alors tout ceci est-il pire à traiter que le fameux dernier kilomètre ? non pour tous ceux qui sont dans ce métier : nous y sommes arrivés ! Le dernier kilomètre est-il complexe à appréhender ? Oui assurément : même si certains outils permettent une exécution simple, productive et fiable de la livraison, même si les algorithmes de calcul de parcours avec prévisions de trafic mêlant toutes les contraintes sont performants et innovants, le coût du transport est encore une difficulté à surmonter. Mais nous y arriverons !

Challenge

Il y a un autre challenge à mon sens plus délicat à affronter car nous ne l’avons pas directement sous la main : la satisfaction client. Conserver ce client précieux pour lequel nous déployons des tonnes d’énergie chaque jour en enchaînant en séquence toutes ces opérations à risque.

Chaque étape peut être défaillance, et la défaillance d’une seule étape aboutie à la défaillance de l’ensemble de ce processus de livraison. Qui aboutit lui-même à la défaillance de gratitude du client. Car la marge de manœuvre ici n’a pas le temps d’exister.

Et elle existe d’autant moins que le client n’est plus une entité physique comme celui qui passe ou passait autrefois dans les surfaces de vente et en SAV et qui pouvait trouver une personne prête à traiter en face à face sa réclamation (autrement dit : absorber l’énergie cinétique de son mécontentement pour atténuer l’impact). Tout doit être parfait : du site e-commerce jusqu’à la mise à disposition à l’heure et dès le jour même ou lendemain de l’ensemble de la commande, facturation comprise. C’est la seule garantie que le compte client ouvert perdure. Cette qualité de service étant acquise par le client, il va de soit qu’en cas de problème il manifeste son mécontentement. Le meilleur site e-commerce du monde ne sera plus visité si le service livraison n’est pas à la hauteur des attentes du client. Et il suffit d’une seule fois !

Et là est le challenge : comment bien prendre en charge le client alors que nous ne le voyons plus qu’au travers de la big data ? Comment anticiper les défaillances et prendre les devants ? Quels sont les points de contact restants puisqu’il ne passe plus en magasin ? Ou comment passer du traitement du compte client, cette donnée informatique, à la gestion du client, cette entité physique ?

Oui mais comment ?

Je n’ai pas la solution, et vous pensez bien que si je l’avais je serais en train d’exploiter ce filon 😉. Mais j’ai 3 pistes à vous proposer.

Réactivité en haute qualité

La première étant Amazon (oui, désolé mais on ne peut pas l’ignorer) et sa Customer Obsession : sur le volume de commandes, peu d’erreurs et un service client redoutable d’efficacité. Alors certes nous l’attendons tous sur les coûts de la livraison à domicile de leurs comptes Premium pour voir comment Il va résoudre l’équation financière ; certes nous l’attendons tous sur la complexité logistique à livrer de l’alimentaire pour savoir comment Il va opérer le multisourcing et le cross-docking ; et certes Il a toujours été là où nous ne l’attendions pas ou bien plus tard. Mais pour l’instant, la prestation est au rendez-vous et son service client, que j’imagine pauvre en quantité, est riche en qualité. Ou plutôt en réactivité : la première piste donc, la réactivité irréprochable à moindre coût. Bons baisers de Seattle ! Mais ce n’est pas ma préférée étant adepte d’une phrase de Sun Tzu : « celui qui excelle à résoudre les difficultés le fait avant qu’elles ne surviennent » (L’Art de la Guerre). Je ne vais donc pas m’étendre dessus.

La seconde et troisième piste, exposées ci-après, à mon sens à explorer, sont de miser, non sur cette réactivité mais sur la proactivité : aller au-devant du client plutôt qu’attendre qu’il ne dépasse les 80 décibels pouvant mettre en danger notre oreille, bien que là la durée d’exposition peut ne pas excéder un unique appel si le client est lui-même excédé. Opération Tonnerre !

Le Service Client : ces personnes dans l’ombre, derrière leur écran d’ordinateur, casque micro collé sur leur tête, au service secret de sa Majesté le Client

En seconde piste, j’aimerai donc parier sur le Service Client (n’oublions pas le sens de ces 2 mots accolés), en faisant pour lui 2 actions. 

L’une d’amélioration continue par l’analyse des appels entrants, la caractérisation des motifs d’appel, l’occurrence quantitative par motif. Ceci est un excellent indicateur de mesure de la qualité sur service rendu, un réel indicateur de la VOC (Voice Of Customer), un indicateur concret de mesure de la variation du processus de livraison à domicile. Et à partir de là remonter l’ensemble de la chaîne pour fiabiliser l’étape ou les étapes provocant cette variation. Réparer l’imperfection constituant alors un investissement rentable pour tous ses clients, un gain de temps définitif pour son Service Client, un gain de temps définitif pour sa chaîne logistique.

Là pour y parvenir, nous pouvons dérouler les techniques Lean Six Sigma telles que l’analyse Pareto, le diagramme d’Ishikawa, le 5 Pourquoi, le QQOQCCP, traquer les COPQ (Cost Of Poor Quality), se mettre dans un plan DMAIC et s’inscrire dans le temps dans une démarche Kaizen. Mettre ses équipes dans ce contexte d’amélioration continue constitue à coup sûr une empreinte culturelle addictive qu’elles ne cesseront de consommer pour leur intérêt, leur bien et celui de leur entreprise. Et au final celui de leurs clients.

La seconde action ne répare rien mais permet d’atténuer le bruit. Plus rapide à mettre en œuvre, elle consiste juste à informer le Service Client dès qu’un cas non conforme se présente : tous les systèmes informatiques entrant dans cet ensemble d’opérations permettent à chaque étape d’exécuter un contrôle. La non-conformité effective doit alors remonter en temps réel au Service Client avec son interprétation non équivoque de l’impact. Ceci afin que le Service Client informe son client avant que celui-ci ne découvre la déception et l’exprime de manière non équivoque à son enseigne jusque là préférée.

Ces 2 actions, combinées, permettront à coup sûr de diminuer le nombre et l’occurrence des décibels client, autrement dit d’augmenter sa satisfaction. Nous avons la main ici sur l’ensemble des éléments pour y parvenir. Et rapidement.

Les livreurs, ces commerciaux méconnus

Ma troisième piste, je vais l’oser sur les ressources en charge de la livraison. Transformons nos livreurs en commerciaux ! Ce sont eux qui voient le client, et régulièrement. Ce sont eux que le client identifie à son enseigne préférée. Ce sont eux qui prennent en face le sourire de la satisfaction ou la grimace de la déception. Alors donnons leur les moyens de représenter l’image de l’enseigne, la qualité. Donnons-leur les moyens d’anticiper plutôt que subir. Donnons-leur les bons indicateurs, simples, et le bon discours. 

Un client a vu sa précédente livraison en défaut ? Le livreur qui lui effectue la livraison suivante doit le savoir par son outil de livraison, et lui dire que contrairement à la fois précédente la chaîne logistique a pris le plus grand soin afin de ne pas reproduire cet accident. Oui chère madame, votre précédent défaut de livraison n’était qu’un accident et nous avons travaillé pour ne pas le reproduire. On ne vit que deux fois !

Une réclamation client nécessite un geste commercial contrôlé ? Donnons au livreur l’opportunité de l’offrir en lui mettant cette précieuse information dans son outil de livraison, ce qui rendra ce rattrapage plus humain, donc plus chaleureux. Et déclenchons ce geste commercial immédiatement après signature du BL de livraison du jour. 

Un client est VIP ? Donnons cette indication au livreur avec le bon discours afin qu’il fasse part à ce client de la place importante qu’il occupe dans notre cœur (ou juste à côté, au niveau de la poche de veste dans laquelle est rangé le portefeuille). 

Un client est mécontent ? Laissons le livreur enregistrer directement l’objet de cette insatisfaction avec des motifs préenregistrés dans son outil, et apportons lui une réponse dès le lendemain.

Un client est nouveau ? Alertons le livreur via son outil de livraison afin qu’il prenne les 5 minutes nécessaires pour expliquer à ce futur fidèle client comment se passe la livraison. Nous n’en avons rien que pour vos yeux !

Le livreur étant pressé, et nous le pressons à aller vite : tout ceci doit se faire de manière fluide et rapide en à peine quelques minutes. Son outil de livraison se doit d’avoir toutes ces possibilités. Et ceci est loin d’être impossible à réaliser.

Double-six à tous les coups

Alors tout le monde sera gagnant : le client, le service client, le livreur, l’enseigne, et en définitive l’objet rangé dans la proche intérieure de la veste.

Amorcer une réflexion sur ces axes, se mettre en ligne de mire cet objectif de satisfaction, viser à transformer ces contraintes en opportunités, dégainer des plans d’amélioration et les travailler, bien calibrer ses actions, appuyer sur la détente et observer la trajectoire pour réajuster la ligne de visée. Voilà à mon sens comment reprendre l’initiative sur le client et comment le considérer non plus comme un compte actif mais comme l’entité physique dont nous sommes l’obligé. Et assurer cette fidélité si précieuse. Et tant convoitée par d’autres.

Le client n’est plus la cible, il est notre allié. Donnons-lui confiance. Soyons confiants. Soyons proactifs. Soyons innovants. Soyons attachants. Soyons plaisir. Soyons surprenants. Soyons Amazing !

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